WAZEMMES - LILLE du 9 au 13 mai 2001 Place de la Nouvelle Aventure | |
Regards et discutailles sur la ville et la vie. Géant et miniatures, artistes de rue, jeux, bal folk, solennités et utopies populaires sous la pluie | |
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Mémoire et Dentelle des Faubourgs | |
LE BILAN DE LA FETE | ![]() |
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140ème anniversaire du 13 mai 1861, | |
![]() Photo : Michel SPINGLER | Le 13 Mai 1861, avec le traditionnel Bal des Filtiers et des Dentellières, la Guinguette « La Nouvelle Aventure » de WAZEMMES célébrait son ultime Fête du Broquelet*. Après 100 ans de bons et joyeux services, l'établissement très couru du peuple lillois était démoli la même année 1861, laissant le nom de sa célèbre enseigne à l'actuelle place des marchés. Le 13 mai 2001 célèbra donc le patrimoine de Wazemmes. Pas de vieilles pierres, mais des couleurs et du coeur. Sa citoyenneté, telle celle du VIEUX-MONTMARTRE, peut légitimement être revendiquée par tous les êtres épris de Partage, Ouverture et Belle-Humeur, résidents ou non de ce terreau humblement mythique. Terreau aussi fort, créatif et fragile que la Dentelle de Lille qui veut pouvoir exister. Mais cette citoyenneté-là se mérite ! |
(*)BROQUELET : En patois, petite broche et, aussi, petit fuseau de l'ouvrage des Dentellières
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Avec le soutien du Secrétariat d'Etat au Tourisme
de La Communauté Urbaine De Lille et de la Ville de Lille
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De la polémique à la fête:
un réflexe citoyen
On le sait, tout a commencé par cette intervention policière déplacée, disproportionnée et pour tout dire abusive du 9 Octobre 2000 à Wazemmes.
Sous prétexte d'une plainte pour tapage nocturne justifiable mais pour le moins discutable, et alors que tout se déroule calmement malgré les provocations appuyées de certains d'entre eux, une vingtaine d'agents provoquent une mémorable pagaille qui se solde par de très brutales interpellations.
En dépit d'une concordance de témoignages accablants, le Tribunal leur donnera finalement raison, au mois de Septembre 2001, désignant trois des éléments modérateurs"tabassés" comme.des agitateurs. Pas prêt d'être digéré!
Résultat objectif immédiat, le café "Le RELAX", dernière guinguette lilloise qui, sans jamais gêner aucun voisin, offrait depuis 8 ans son cadre débonnaire à une breughelienne fête dominicale de la Chanson et de la Musique vivantes, de la rencontre et de l'échange, modèle de ce foutu "Lien Social" du Loch Ness, ce Relax et ses actrices-acteurs résidents ou amoureux du quartier, donc, ont perdu depuis -outre quelques heures magiques de ses soirées bénies closes désormais à 23h, quelle tristesse!- un peu de son insouciance régénératrice et rassurante. "Tout fout l' camp", à petit feu.
Secours d'urgence
à une fertile fragilité
- L'urgence est alors apparue à une poignée de témoins, wazemmois de cour, de brandir de façon retentissante la trame riche et complexe de ce quartier. Un quartier en passe à leurs yeux de perdre son âme populaire et artistique. Sous le feu conjugué de plans de cadrage et transformation de tous ordres, certes nécessaires mais apparaissant comme mus par des enjeux trop musclés et rectilignes au regard d' une fragilité qui, paradoxalement, fait la force et le charme de Wazemmes.
Le Tout-Lille distingué et, déjà, le Tout-Europe du Nord découvrent avec ravissement l'indéfinissable attrait populaire de ce quartier mi-canaille, mi-bohême. Ses marchés mêlent marchands de menthe à la sauvette, "vocaliseurs" de quatre-saisons, camelots, fripiers ou brocanteurs et une pittoresque faune artistique, En dégustant un nem après les safaris sur la place de la Nouvelle Aventure, on cherche un frisson incertain dans les rares vestiges du Vieux Wazemmes. Puis on traverse la désormais très chic rue Gambetta vers un pâtissier ou un traiteur d'une autre tenue -tout de même!- avant de regagner le 4 x 4 ou le mini-bus touristique, enivré de délicieuses sensations.
A moins de 100 mètres de là, l'urbanisation galopante et ses effets co-latéraux effacent depuis quelques années méthodiquement et avec un discernement discutable et douloureux le substrat même de cette originalité si avidement recherchée. Même processus paradoxal que pour le Vieux Montmartre.et le Vieux Lille. En voulant s'approprier les murs et la culture d'un "village gaulois", on en chasse la chair et l'esprit dans les périphéries.
- L'urgence aussi de reposer avec force une salve de questionnements avant virages irrémédiablement décisifs.
L'ouvrage de la Dentelle
comme emblème populaire
Le thème de la Dentelle de Lille s'est imposé tout naturellement. Suite à la découverte fortuite de la coïncidence du 140 ème anniversaire du dernier Bal de la Fête du Broquelet à la Guinguette de la Nouvelle Aventure de WAZEMMES, le 13 Mai 1861, avec le prochain 13 Mai de cette année 2001, entrée dans le millénaire. D'où la précipitation des demandes de soutien financier auprès des institutions.
La Dentelle de Lille, prestigieux objet de luxe, était produit, principalement au XVIIIème siècle, par quelque 16000 obscures ouvrières dans des conditions d'exploitation impressionnantes , n'étant pas sans rappeler le scandale des "esclaves" délocalisés de notre époque.
L'image même de la dentelle, humble ouvrage destiné au luxe des classes élevées et aussi symbole de l'inextricable et magnifique métissage des fils (.fil d'Egypte, au début.) est apparue idéalement comme l'emblème fort de cette fête de l'identité wazemmoise. Comme la simplicité et le sens de la fête de sa corporation laborieuse.
La constitution d'une commission "Wazemmes Qu'A Un Fil" au sein de la structure associative de la Compagnie Théâtrale "TANT QU'A FAIRE" s'est spontanément révélée logique par concordance d'objectifs, d'esprit et de méthodes.
Depuis 85, cette petite compagnie professionnelle sise à Villeneuve d'Ascq a marqué sa complicité avec le quartier d'un enthousiasme sans équivoque, à travers ses collaborations sans conditions avec le café-théâtre "le Biplan", le 1er Festival "Wazemmes l'Accordéon" et le "Relax" .Et notamment par le biais du comédien Denis CACHEUX, son animateur, dans son rôle de comédien, de concepteur d'évènements et, biensûr, de chanteur de rue avec Nadine POUILLY puis Anne CUVELIER. Les statuts de la Compagnie visent à la mise en valeur, par le Jeu scénique et autres moyens artistiques, des Vécus Quotidiens ordinaires, à l'intention de tous les publics, et plus particulièrement des plus démunis des codes culturels dominants.
Plaisirs authentiques
du sens et du questionnement
Il s'agissait, avant tout,
1°) d'offrir du SENS et de la réflexion induite ou active tant aux artisans de cette manifestation qu'à ses visiteurs. D'éviter à tout prix le piège des fêtes ne flattant que les réflexes consommateurs,du style "Tendance-Délicieuse saveur d'antan", "Teuf-Défonce-Après-nous-le-déluge" ou autre soupe racoleuse.
Les ingrédients imparables pour réussir à coup sûr et sans risques une fête standarisée sont à la portée du moindre organisateur un peu futé: emprunter un thème pittoresque ne choquant aucun parti, acheter, si possible au rabais, et afficher à grand frais du bon spectacle, s'offrir le concours d' une poignée d'associations locales en leur confiant un rôle-hochet, le tout assorti d' un dispositif sonorisation puissant et donc imparable. Si de surcroît on est assis sur un budget confortable, rien n'est plus simple!
Loin de nous l'idée d'une telle fête. L'objectif de la commission "Wazemmes Qu'A Un Fil" était non pas de susciter la complaisance gratuite mais bien le plaisir responsabilisant.
2°) De faire découvrir la fertilité et la richesse des métissages populaires et artistiques favorisé par le tissu urbain et social du quartier et ses pratiques passées ou récentes.
3°) de faire que Wazemmes invite LILLE à se réconcilier avec son passé dentellier, témoin de traditions de savoir-faire et de vertus populaires en brisant la honteuse chape d'oubli et de silence ( peut-être voulue pour favoriser l'avènement d'une ville européenne moderne !?.).
EVALUATION
Bien évidemment, le chant des sirènes résonnait dans l'entourage -et au sein même de la cellule de conception de la FETE DU BROQUELET-: la tentation était grande de recourir à la recette de l'enfilage de perles d'animation efficacement consensuelle. Dénuée de questionnements et d'invitation au débat. On aurait pu alors servir une sorte de potage euphorisant, en somme. Tellement épicé d'exotisme que les interrogations sur les subtilités de fond en auraient été dissipées .
Mais le cap initial a été coûte que coûte gardé. La Commission s'en est tenue lucidement à l'orthodoxie de ses convictions premières. Et si la gestion financière a imposé un véritable gymkhana, le bénéfice moral, lui, s'est révélé sans conteste intéressant et prometteur.
FREQUENTATIONS et RESULTATS par évènement.
Soixante personnes pour écouter Pierre PIERRARD.
Les prophètes de malheur avaient assuré qu'aucun inconditionnel de Pierre PIERRARD ne s'aventurerait dans le cour préjugé chaud de Wazemmes. De fait, on a du rajouter des chaises dans la grande salle de la Maison de Quartier pour la conférence du brillant professeur, lui-même s'y déclarant parfaitement à l'aise.
Trente-cinq passionnés de patois pour Raphaël BOUTRY.
Qui aurait parié que, dans le même lieu, autant de passionnés viendraient écouter Raphaël BOUTRY, cet explorateur autodidacte inextinguible de la linguistique et du patois ?
Quarante auditeurs fascinés par Michèle COUPEZ.
De même, qui aurait pu imaginer que le sujet de la Dentelle de la Lille, ses secrets techniques et son histoire sociale aurait littéralement fasciné quelque quarante auditrices et.auditeurs et qu'il faudrait presque imposer un couvre-feu à Michèle COUPEZ pour parvenir à mettre un terme -provisoire!- à un exposé qui augure d'une verte renaissance.
Une quarantaine de participants au débat sur le PATRIMOINE WAZEMMOIS.
La crainte de discours rébarbatifs ou par trop polémiques n'a pas arrêté des "mordus" du quartier. Venus débattre des risques et des avantages de son aménagement et des menaces de disparition de son âme, ils ont juré de revenir sur le sujet.et d'agir!
Lecture-théâtre devant une trentaine d'amateurs.
Une trentaine d'amateurs avertis ont suivi la lecture d'une pièce peu connue de Victor Hugo, sur trame de dentelle et de dentellières par l'Azimut-Théâtre. .
Une quinzaine d'inscriptions au Concours de Harangues et Boniments.
En guise de mise en bouche-mise en jambes et pour faire transition avec la fin du Marché dominical, le concours "Faites dans la Dentelle" de Harangues et Boniments a ainsi dépassé les prévisions prudentes, voire alarmistes, plus d'une quinzaine d'orateurs plus joyeusement farfelus les uns que les autres donnant d'emblée une tonalité de truculence et d'invention à l'après-midi.
Une quarantaine de passionnés à la causerie-Bistoule.
Ces retrouvailles intimistes et chaleureuses au croisement de la grande et de la petite histoires n'ont pu rassembler autour de Jean Vindevogel qu'un modeste effectif en raison d'un sérieux décalage par rapport aux horaires annoncés et par conséquent d'errances non maîtrisées du public. Comme pour la conférence de Pierre Pierrard, on peut cependant se réjouir de constater, dans cette forme, cousine des veillées d'antan, une soif réelle d'échange autour de la mémoire, vivante ou savante.
Une centaine de visiteurs "dins l'cours".
On n'en aurait pas fini de dénombrer les attentes déçues, au delà de la centaine de visiteurs privilégiés des "cours" ( les courées wazemmoises) menées par les deux passionnantes guides costumées, au début de la fête.
2 à 3000 personnes pour la Fête "à l'ancienne".
On a estimé que la journée anniversaire du Dimanche 13 Mai 2001 (140ème anniversaire de la dernière célébration à la Guinguette de la Nouvelle Aventure) a vu passer entre 2 et 3000 personnes.
Au regard, d'une part, du risque de lecture "ringarde" de l'image largement diffusée d'une fête "à l'ANCIENNE" à la connotation délibérément simple et sans attraction mirobolante et, d'autre part, du souci primordial de maintenir une taille humaine à l'événement, on peut considérer que le résultat correspond idéalement à nos souhaits initiaux.
La cérémonie d'accueil du maire de la Commune Libre du Vieux Montmartre par le Club des Ambassadeurs de Wazemmes au square de Ratisbonne, la fellinienne et bouleversante aubade- réception satirico-revendicative dans l'impasse VILLAIN, la célébration parodique des mariages et le baptême-canular d'Alphonse, le bébé Géant de Wazemmes, sur la place de la Nouvelle Aventure ont été suivis par plus de deux cents personnes réjouies et émues .
Le cortège en fanfare, par contre, a sans doute constitué le seul point d'attraction décevant. Peu de curieux, en effet, lors de son passage, sauf à son arrivée sur la place. Les riverains auraient sans doute du être avisés par tracts et invités à pavoiser. Mais on touche là précisément à la dégradation du ressort populaire engendré par une sensible mutation de l'éventail socio-professionnel des habitants depuis les années 80, notamment dans la rue Gambetta.
Au milieu des démonstrations très suivis des dentellières à l'ouvrage, entre les producteurs de pain d'épice à l'ancienne, les peintres, dessinateurs, accordéonistes, bateleurs et musiciens, les courses de vinaigrettes ont battu leur plein avec un succès constant tout au long de la fête. Tandis que l'exposition vie quotidienne et petit monde de Wazemmes et des Quartiers Populaires n'a pas désempli.
Plus de cinq cent auditeurs pour la création de l'HYMNE A WAZEMMES.
L'un des grands moments de la fête du Broquelet, cette création musicale et littéraire a stigmatisé de façon vibrante l'attachement viscéral de populations, résidente ou non, de tempéraments et "d'écoles"dont les oppositions parfois folkloriques ne résistent pas à la fraternisation autour de ce quartier mythique.
Pleine animation dans les cafés de la place.
Les cafés de la place, Le Relax et le Guapa Bar en particulier, ont connu pleine animation avec des groupes musicaux amis professionnels ou amateurs.
Le "Biplan" bondé pour la chanson patoisante.
Endurant la bonne heure de décalage du programme, répercutée du départ à sa fin, le public a très vite envahi la salle de spectacle du café-théâtre Le Biplan quand a commencé tant bien que mal la séance de Chanson Patoisante.
Trois cents danseurs au bal folk.
La fête a connu un chaleureux bouquet final avec environ trois cents danseurs au son des cornemuses, violons et autre accordéon de Galimède et Mabidon.
Effectifs complets pour les Ateliers de Dentelle.
Sous la férule magistrale mais débonnaire de Michèle COUPEZ, deux dizaines de dames se sont initiées ou perfectionnées à l'art de la dentelle de Lille au cours des ateliers du samedi 12 Mai.
Expositions à l'hospice comtesse et à la Bibliothèque de Quartier.
Nous ne sommes pas en mesure d'estimer la fréquentation des deux expositions présentées parallèlement à la Fête du Broquelet. Nous savons que la convergence d'intérêt à laquelle elles ont amené tant sur le sujet de la Dentelle et des dentellières que sur les Guinguettes lilloises ont sensiblement contribué au plein succès de cette expérience wazemmoise.
On peut souligner dans ce bilan la disponibilité spontanée de ces deux pôles culturels importants dans la Métropole et dans le quartier. Elles ont répondu à une sollicitation intervenant très tardivement dans leur saison en mettant tout en ouvre avec, plus qu'un écho, un apport remarquable au Sens même et à la tenue de la fête.
Communication.
Les artistes professionnels de l'équipe de base ont usé (au risque de les user!) de tous leurs réseaux de contacts en terme de Communication, n'hésitant pas de surcroît à s'investir physiquement dans des distribution de tracts commentée à plusieurs reprises, les dimanches au marché de Wazemmes, notamment.
Aucune concession n'a été consentie dans la conformité entre la forme et le Sens. Ainsi, par exemple, la magnifique image "de marque" offerte par François BOUCQ a-t-elle choqué les principes de certains milieux. Elle exprimait pourtant, tant dans son style que son contenu sémiologique, l'exact message de notre démarche.
La distribution de12000 tracts et de 500 affiches que les collectionneurs avisés se sont littéralement arrachés, ajoutée à la large couverture médiatique régionale d'annonce et de compte-rendu ont, semble-t-il, conféré à cet événement un impact inversement proportionnel à la modestie de sa taille spatiale.
Le patronage spontané de Radio FRANCE-BLEU-NORD assorti d'une grille d'information et d'annonce intense a sans conteste joué un rôle non négligeable dans le succès de la manifestation.
RESULTATS par rapport aux OBJECTIFS PRINCIPAUX.
Nous reprenons ici chacun des points du cahier des charges établi dès le départ de l'aventure et exposés dans le tableau du haut.
1. ...Eclairer et questionner l'histoire de Wazemmes.
Il serait présomptueux de prétendre avoir rendu à l'occasion de cette modeste manifestation dignité et confiance au wazemmois d'Etat Civil et d'Etat d'Ame.
Mais on peut au moins avancer que des amorces de questions qu'ils se posent sur l'opportunité de transformation radicale de la configuration de leur quartier -renoncement à la réhabilitation des "cours" et montée verticale massive de l'habitat collectif, avancée des commerces de standing ,voire de luxe, sur le Vieux Wazemmes, remodelage irrémédiable de précieux repères de vie (comme le percement non négociable de la rue Aerts dans l'usine Leclerc)-, ont été suscitées dans le public, à défaut d'émouvoir les décideurs.
Nous inscrivons ces secousses de consciences et bonnes consciences -même éphémères- dans la fonction citoyenne de notre démarche. Dans cette optique, le rôle d'aiguillon des artistes auprès des associations nous semble éclairant. Et le travail de mise à jour et de collecte de mémoire mené par le Club des Ambassadeurs de Wazemmes peut ainsi demeurer activité de pur loisir ou contribuer à l'implication des habitants dans la réflexion sur l'aménagement de leur quartier, comme ce fut le cas notoire, ici, tout en interpellant celles et ceux qui consomment du Wazemmes.
2. ...revigorer l'histoire de la Dentelle et des "Dintellières"
La création, dans les mois qui ont suivi la Fête du Broquelet, d'une Académie de Dentelle à Wazemmes, s'inscrit dans le fil même de nos semailles.
La portée de cet acte fondateur n'est peut-être pas mesurable aujourd'hui sur la réconciliation des wazemmois et des lillois avec une période importante du passé de la ville quasiment effacé des mémoires jusqu'alors pour des raisons et sur lesquelles on pourrait méditer. N'était-on pas proche à Lille au XVIIIème des conditions de travail des exploités du tiers-monde s'échinant sur nombre de nos produits de luxe.?
C'est aussi, bien-entendu, d'un renouement avec des savoir-faire dont on peut légitimement être fier et revendiquer la reconnaissance contemporaine.
3. ...une fête de petite taille
Sur ce point, nous pensons avoir tenu nos engagements d'offrir la redécouverte d'une fête, cousine des marchés tels ceux de Wazemmes, où la diversité et le foisonnement des échanges et des plaisirs ne sont pas gâchés-fatigués par la démesure qui entraîne leur propre étouffement et l'étourdissement tellement à la mode de nos jours.
4. .associer les populations
(-) Nous devons pointer notre faiblesse -voire notre échec- sur ce point.
La brusquerie de notre démarche, due pour beaucoup aux délais et, par là, à l'effectif dérisoire de notre équipe de base, a beaucoup gêné la méthode et la qualité de nos rencontres.
Nous n'avons donc pas su éviter de sérieuses lacunes dans la sensibilisation des associations, unions commerciales et sans doute simples bénévoles potentiels.
Heureusement, des angles de pénétration déterminants nous ont été aménagés spontanément par les réseaux informels des cafés "Le Relax", "Le Va Zen", par WELLOUEJ, le Club des Ambassadeurs de Wazemmes, la Maison de Quartier, les Artistes du Cour, etc
5. .direction artistique originale et cohérente
Nous nous devons d'insister particulièrement sur ce chapitre. Le niveau d'excellence auquel nous croyons sans prétention avoir hissé d'un coup cette première Fête du Broquelet n'aurait pu être atteint sans la conjonction: bénévoles d'associations - artistes professionnels.
Et c'est bien là qu'on retrouve la portée réelle de cette manifestation, puisant des ressorts d'intérêt profondément wazemmois mais aussi plus larges que le quartier lui-même: à la fois lillois, régionaux et universels.
Le montage de la Fête du Broquelet a été mené comme celui d'un spectacle d'accroche: dans le souci d'attirer, passionner, édifier et questionner les publics.
Pour cette première édition de la Fête du Broquelet, ce sont les circonstances originelles ( débordements policiers et crainte d'un urbanisme outrancié) qui ont piqué au vif une poignée d'artistes motivés pour apporter un investissement conséquent à titre militant donc exceptionnellement gracieux.
Ainsi s'est-il trouvé des Michèle COUPEZ, Dimitri WAZEMSKY, Bernard AGNIAS, Saskias HINRICHS, Mathilde LIEVIN, Claude VADASZ, etc pour mettre sur pied de la façon la plus inspirée qu'autorisaient les moyens et les délais cet impromptu wazemmois, sous la direction du comédien Denis CACHEUX.
Leur participation même a permis, par conséquence et connivence dictées par l'amitié et l'attachement à Wazemmes, d'obtenir l'engagement inespéré de François BOUCQ, Michel SPINGLER, Alain LEPREST, Omar YAGOUBI, la BANDE à PAULO, le groupe MABIDON, la troupe théâtrale AZIMUT, Au COIN de la RUE, la fanfare POMPES et CIRCONSTANCES, etc
Mais il faut bien noter que:
-cet afflux d'investissements artistiques bénévoles ne pouvait se manifester que dans une dynamique d'urgence solidaire spécifique.
Les corporations artistiques sont, de loin, les plus sollicitées à titre bénévole. Pourquoi ?Peut-être en raison des légendes à la vie dure sur leur goût pour l'amour de l'Art et l'eau fraîche, de la vie de "bohême"qui ne fait rêver que ceux qui en sont à l'abri.
Pourtant, la situation matérielle des artistes professionnels en général, quelque soit leur discipline, celle des Intermittents du Spectacle en particulier, très représentés à Wazemmes et dans sa mouvance, justement, est d'une extrême fragilité et subit aujourd'hui des menaces rarement atteintes.
-la forte présence artistique a stimulé de façon benefique les participants associatifs, parfois à leur corps défendant.
Les associations de bénévoles -même à but artistique déclaré- ne possèdent pas toujours la Science ni l'Art Infus ! Les manifestations comme la Fête du Broquelet offrent, avons-nous constaté une fois de plus, le terrain idéal aux deux parties pour ouvrer côte à côte; les bénévoles peuvent y trouver une occasion privilégiée de sensibilisation, d'initiation et de formation, parfois un regain de motivation pour l'objet de leur association. Les artistes professionnels bénéficient de la grande variété des expériences humaines et techniques des bénévoles associatifs.
La création d' un plein-temps et un mi-temps d'un mois pour des artistes (par exemple Spectacle et Arts Plastiques) assorti d'un mi-temps de trois mois pour un administratif ainsi que le paiement à leur juste prix des spectacles professionnels nous paraît indispensable au regard de la première expérience.
Car, en toute logique, en dehors des permanents salariés d'associations participantes, aucun professionnel ayant accepté de s'engager bénévolement n'est prêt, pour d'évidentes raisons de survie, à renouveler l'expérience.
6. ...qualité d'écoute et de rencontre
L'unanimité des réactions enthousiastes dès l'annonce, les semaines précédentes sous le marché couvert ou ailleurs, de l'absence de sonorisation sur le site de la fête nous a confirmé que notre choix d' OSER L'ACOUSTIQUE était juste.
Les musiciens affichaient plus de scepticisme. Ils ont vite changé d'avis en vérifiant par eux-mêmes sur "l' Tiot'Foire" que chaque univers musical n'empiétait pas sur d'autres qui le respectaient, le ravissement des badauds ( et leurs témoignages nombreux à ce sujet) en faisant foi.
Il est vrai qu'il a fallu -pour des raisons de "balance" avec la fanfare renforcée- concéder deux micros aux deux chanteurs solistes de l'Hymne à Wazemmes. Cela a été la seule concession compréhensible sur ce point.
Pour le reste, des codes et des procédures de transmissions visuelles ou par estafettes et agents de liaisons auraient du être déterminés afin d'éviter des retards de communication parfois pesants et préjudiciables au rythme pourtant bonhomme de la fête.
7. ...fête sous la pluie
Nous étions absolument déterminés à jouer de la pluie comme d'une composante essentielle de la fête. De l'intégrer au lieu de feindre d'ignorer comme la plupart des organisateurs les dégâts qu'elle pouvait aléatoirement causer sur les plan matériel et moral.
De même que l'option ferme et définitive pour l'acoustique, la simple annonce de ce parti pris (et l'inversion du sens habituel de l'Intempérie) a provoqué une réaction majoritaire d'adhésion et, au pire, d'amusement intrigué. Premier bénéfice avant l'enthousiasme suscité le jour de la fête par les arrosages au pulvérisateur après distribution de dizaines de parapluies au public.
Soyons honnêtes, les dispositions matérielles pour parer au risque de détrempage en cas de vraie pluie étaient quasiment inexistantes, n'était-ce les petits chapiteaux et le podium couvert heureusement prêtés par la ville de Lille. Il est évident que ces problèmes devraient sérieusement être pris en compte dans une prochaine édition.
Nous demeurons cependant persuadés que l'idée d'une fête sous la pluie doit être développée avec la philosophie annoncée de mutation du fatalisme en aubaine généreusement partagée et la déclinaison d'attractions adaptées. Il s'agit en somme de récupérer un inconvénient statistiquement fréquent pour en faire un avantage imparable.et réparable puisqu'on peut avantageusement le pallier. en arrosant.
Sur le bilan financier joint, on notera qu'au prix d'un jonglage savant et du sacrifice consenti par la communauté artistique professionnelle, nous sommes parvenu à concrétiser notre projet avec un budget minime en proportion de la portée de l'entreprise, la Cie TANT QU'A FAIRE s'étant engagée d'entrée à gérer les déficits prévisibles.
Grand merci pour leur confiance aux institutions qui, en dépit de délais acrobatiques, nous ont suivis et ont ainsi permis d'inaugurer cet objet vivant d'expression festive original. Particulièrement au Secrétariat d'Etat au Tourisme ainsi qu'à la ville de Lille pour son intelligente et réelle complicité et son surcroît d'aide technique non mesurée.
Plusieurs récupérations se profilent avec insistance, dérives qui pourraient affaiblir son caractère original de la Fête du Broquelet et lui abolir ainsi son rôle de petite lumière populaire de résistance et de proposition citoyenne.
La dérive "associative".
Dans la dynamique de préparation et de réalisation de la Fête du Broquelet, le plus harmonieux investissement des associations du quartier qui le souhaitent doit être visé. Mais c'est bien là la fonction spécifique d'autres manifestations déjà existantes. Et il semble primordial d'éviter qu'en faisant du Broquelet une fête des associations de plus, le quartier ne compte plus que sur lui-même, donnant de son identité une image fausse de circulation quasi consanguine des idées et des énergies.
La Fête du Broquelet doit à tout prix demeurer la célébration du"grand" Wazemmes. Celle d'un quartier doué du talent d'accueillir, d'héberger et de nourrir généreusement les rêves, utopies et créativités d'individualités et communautés diverses en respectant tant bien que mal -et plutôt bien que mal- les différences. Elle doit, fidèle en cela à l'esprit "mai-tissé" de sa résurgence de 2001, rester absolument la fête des résidents et des amoureux de Wazemmes.
Pour favoriser la fédération de toutes les composantes de ce "grand" Wazemmes et lui apporter un style marquant et lisible, elle devrait donc idéalement être inspirée, animée et coordonnée par un artiste, chaque année différent, entourée d'une équipe mixte où siègeraient, évidemment, des responsables d'associations et des individus du quartier et attachés au quartier.
Ainsi certaines associations participantes pourraient à coup sûr y trouver chaque année l'occasion de s'inscrire avec un élan fort dans un cadre plus ouvert et plus exaltant que celui généralement offert dans leur habituelle pratique socio-culturelle purement locale. On imagine alors les bénéfices non négligeables que le degré d'exigence de cette démarche"bousculée"partagée avec des professionnels vers un large "tout-public" pourrait générer sur leur évolution.
La dérive commerciale.
Comme pour les retombées sur le développement associatif, les initiateurs de la Fête du Broquelet ont aussi rêvé à d'éventuelles incidences sur le commerce. Il est vrai que, sur ce sujet, le mépris souverain affiché par la principale Union Commerciale du quartier à l'égard d'une initiative artistico-populaire n'a pas permis de mesurer le bon fondement de nos vagues espoirs. En effet, seuls quelques audacieux pionniers nous ont fait confiance en apportant leur soutien (apport financier, repas et boissons ou marchandises offertes).
C'est d'une exploitation trop sélective de la thématique de la Dentelle que nous craignons un futur possible déséquilibre au détriment de son histoire sociale.
Des développements commerciaux tous naturels pourraient prendre la forme d'un salon de la Dentelle, du Vêtement (avec exposants et défilés de mode). Tout cela a été évoqué au sein de la commission dès le début du projet et, bien-entendu, après son premier succès. On ne pourrait s'en réjouir que si une telle déclinaison, si elle se concrétisait, restait indépendante de la fête populaire et citoyenne dont la Dentelle doit n'être jamais que le prétexte, en mémoire de son passé populaire lillois de savoir-faire et de travail et de ses ponctuations festives à Wazemmes.
CONCLUSIONS PARTISANES
(.mais pas tant que ça.)
Qu'on le veuille ou non, Wazemmes continue à jouer un rôle unique de creuset fertile et d'intense rayonnement artistique et populaire pour la ville et pour la grande Région (inter-frontalière). L'attractivité touristique des marchés et des cafés de la place de la Nouvelle Aventure n'en est qu'un reflet dont les causes profondes et subtiles restent à analyser, ménager, sous peine de tarir la source, et à favoriser.
Mesures urbanistiques ou administratives coercitives, particulièrement dans la course-bousculade à l'Horizon 2004, menaceraient le fragile équilibre du dynamisme créatif de ce terroir exemplaire de diversité, pluralité et générosité.
A force de contingenter et réglementer les composantes et mouvances qui irriguent ce précieux bouillonnement alchimique (mondes des artistes, des associations, des courants de populations, des petits commerces, etc), à force de maintenir cloisonnés recherche sur la Mémoire de Quartier et regard présent sur son aménagement, de se préoccuper de sa normalisation sur fond de folklore, on s'exposerait à très court terme à voir se déporter irrémédiablement en ordre dispersé vers d'autres zones plus hospitalière un foyer communautaire et créatif unique .dont la ville a besoin.
Comme ceux de Montmartre, les lendemains de Wazemmes chanteraient alors plus tourisme uniformisé et "sanisettes Decaux" que foisonnement généreux et voisinage coloré !
La culture au cordeau (cf. l'obstination unilatérale à raser les "cours", à couper l'usine LECLERC en deux par une voie piétonne dont la rectitude sentira tout sauf "la noisette" des petits chemins, la suggestion d'ouvrir un cinéma sous la halle du marché et de larges perspectives de percées-traversées vers le Sud.) semble foncer diamétralement et tête baissée à l'encontre de la culture de "village gaulois" du quartier, de son histoire et de ses envies...de son charme et. de sa portée sociale, économique et touristique non négligeable. N'est-on pas en train de tuer une poule aux oufs d'or de "LIEN SOCIAL" ?
C'est dans une logique de résistance à la mort par étouffement de l'originalité du quartier qu'est née la Fête du Broquelet 2001. C'est dans cette optique citoyenne qu'elle a reçu ses premiers financements et soutiens matériels et moraux (cf. l'enthousiaste parrainage conjoint d'Alain DECAUX et Jacques DUQUESNE) pour une naissance à la symbolique date du 140ème anniversaire du dernier Bal du Broquelet à la Guinguette de la NOUVELLE AVENTURE, le 13 mai 1861. C'est dans cette élan qu'elle a voulu marquer. C'est à cette aune qu'on doit estimer ses qualités et ses défauts.
Décembre 2001
Pour la commission Wazemmes Qu'A Un Fil
Le Directeur Artistique, Denis CACHEUX, comédien.